Changeons de Voie, changeons de Vie L’Appel d’Edgar Morin

Par: Axelle dans Sans Catégorie Posté: il y a 7 ans

Le Village systémique, dont l’une des missions essentielles est de contribuer à relier, à co - construire et à naviguer dans la complexité tient à relayer l’Appel d’Edgar Morin dont la pensée et l’action sont une inspiration constante.

 

Changeons de Voie, changeons de Vie

L’Appel d’Edgar Morin

 

 

Cet Appel vous invite, citoyennes et citoyens qui vous reconnaissez dans ce texte à parler d’une seule voix et à peser fortement dans le débat public. En signant cet Appel, vous exprimez votre accord avec ce texte et vous manifestez votre souhait de contribuer à rassembler la multitude d’initiatives issues des actrices et acteurs de la société civile.

Nous sommes innombrables mais dispersés, à supporter de plus en plus difficilement l’hégémonie du  profit,  de  l’argent,  du  calcul  (statistiques,  croissance,  PIB,  sondages)  qui  ignorent  nos  vrais besoins ainsi que nos légitimes aspirations à une vie à la fois autonome et communautaire.

Nous  sommes  innombrables  mais  séparés  et  compartimentés  à  souhaiter  que  la  trinité  Liberté Égalité  Fraternité  devienne  notre  norme  de  vie  personnelle  et  sociale et  non  le  masque  à  la croissance des servitudes, des inégalités, des égoïsmes.

Au  cours  des  dernières  décennies,  avec  le  déchaînement  de  l’économie  libérale  mondialisée,  le  profit s’est déchaîné au détriment des solidarités et des convivialités, les conquêtes sociales ont été en partie annulées, la vie urbaine s’est dégradée, les produits ont perdu de leurs qualités (obsolescence programmée, voire vices cachés) les aliments ont perdu de leurs vertus, saveurs et goûts.

Certes, il existe de très nombreux oasis de vie aimante, familiale, fraternelle, amicale, solidaire, ludique qui témoignent de la résistance du vouloir bien vivre ; la civilisation de l’intérêt et du calcul ne pourra jamais les résorber. Mais ces oasis sont encore trop dispersés et se connaissent encore trop peu les uns les autres.

Ils se développent pourtant et leur conjonction ébauche le visage d’une autre civilisation possible.

La conscience écologique, née de la science du même nom, nous indique non seulement la nécessité de  développer  les  sources  d’énergie  propres  et  d’éliminer  progressivement  les  autres  y compris  le  si dangereux nucléaire, mais aussi de vouer une part plus importante de l’économie à la salubrité des villes polluées et à la salubrité de l’agriculture, donc à faire régresser agriculture et élevage industrialisés de plus en plus malsains, au profit de l’agriculture fermière et de l’agro-écologie.

Une formidable relance de l’économie faite dans ce sens, stimulée par les développements de l’économie sociale  et  solidaire,  permettrait  une  très  importante  résorption  du  chômage  comme  une  importante réduction de la précarité du travail.

Une réforme des conditions du travail serait nécessaire au nom même de cette rentabilité qui aujourd’hui produit mécanisation des comportements, voire robotisation, burn out, chômage qui donc diminuent en fait la rentabilité promue. En fait la rentabilité peut être obtenue, non par la robotisation des comportements mais par le plein emploi de la personnalité et de la responsabilité des salariés. La réforme des États peut être obtenue, non par réduction ou augmentation des effectifs, mais par débureaucratisation, c’est à dire communications entre les compartimentés, initiatives et rétroactions constantes entre les niveaux de direction et ceux d’exécution.

La réforme de la consommation serait capitale. Elle permettrait une sélection éclairée des produits selon leurs vertus réelles et non les vertus imaginaires des publicités (notamment pour la beauté, l’hygiène, la séduction, le standing), ce qui opérerait la régression des intoxications consuméristes (dont l’intoxication automobile). Le goût, la saveur, l’esthétique guideraient la consommation, laquelle en se développant ferait régresser l’agriculture industrialisée, la consommation insipide et malsaine, et par là, la domination du profit.

 « Le but premier est  de créer des oasis de vie et des jonctions entre ces oasis de vie. Ce n’est pas un projet de société que l’appel énonce, mais une voie de civilisation. »

Le  développement  des  circuits  courts,  notamment  pour  l’alimentation,  via  marchés,  Amaps,  Internet, favorisera  nos  santés  en  même  temps  que  la  régression  de  l’hégémonie  des  grandes  surfaces,  de  la conserve non artisanale, du surgelé.

Par  ailleurs,  la  standardisation  industrielle  a  créé  en  réaction  un  besoin  d’artisanat.  La  résistance  aux produits  à  obsolescence  programmée  (automobiles,  réfrigérateurs,  ordinateurs,  téléphones  portables, bas, chaussettes, etc.) favoriserait un néo-artisanat. Parallèlement l’encouragement aux commerces de proximité humaniserait considérablement nos villes. Tout cela provoquerait du même coup une régression de cette formidable force techno-économique qui pousse à l’anonymat, à l’absence de relations cordiales avec autrui, souvent dans un même immeuble.

Ainsi les consommateurs, c’est à dire l’ensemble des citoyens, ont acquis un pouvoir qui faute de reliance collective,  leur  est  invisible,  mais  qui  pourrait  une  fois  éclairé  et  éclairant déterminer  une  nouvelle orientation  non  seulement  de  l’économie  (industrie,  agriculture,  distribution)  mais  de  nos  vies  de  plus en plus conviviales.

Une nouvelle civilisation tendrait à restaurer des solidarités locales ou instaurer de nouvelles solidarités (comme la création de maisons de la solidarité dans les petites villes et les quartiers de grande ville).

Elle stimulerait la convivialité, besoin humain premier qu’inhibe la vie rationalisée, chronométrée, vouée à l’efficacité.
Nous pouvons retrouver de façon nouvelle les vertus du bien vivre par les voies d’une réforme existentielle.

Nous devons reconquérir un temps à nos rythmes propres, n’obéissant plus que partiellement à la pression chronométrique. Nous pourrons alterner les périodes de vitesse (qui ont des vertus enivrantes) et les périodes de lenteur (qui ont des vertus sérénisantes).

La  multiplication  actuelle  des  Festivités  et  festivals  nous  indique  clairement  nos  aspirations  à  une  vie poétisée par la fête et par la communion dans les arts, théâtre, cinéma, danse. Les maisons de la culture devront trouver une vie nouvelle.

Nos besoins personnels ne sont pas seulement concrètement liés à notre sphère de vie. Par les informations de presse, radio, télévision nous tenons, parfois inconsciemment, à participer au monde. Ce qui devrait accéder à la conscience c’est notre appartenance à l’humanité, aujourd’hui interdépendante.

Nous croyons comme Montaigne le disait déjà au XVIe siècle que « tout homme est mon compatriote » et que l’humanisme se déploie comme respect de tout être humain. Nos patries dans leur singularité font partie de la communauté humaine. Nos individualités dans leur singularité font partie de la communauté humaine.  Les  problèmes  et  périls  vitaux  apportés  par  la  mondialisation  lient  désormais  tous  les  êtres humains dans une communauté de destin. Nous devons reconnaître notre matrie terrienne (qui a fait de nous  des  enfants  de  la  terre)  notre  patrie  terrestre  (qui  intègre  nos  diverses  patries)  notre  citoyenneté terrienne (qui reconnaît notre responsabilité dans le destin terrestre). Chacun d’entre nous est un moment, une  particule  dans  une  gigantesque  et  incroyable  aventure,  issue  d’homo  sapiens-demens,  notre semblable dès la préhistoire, et qui s’est poursuivie dans la naissance, la grandeur, la chute des empires et civilisations et qui est emportée dans un devenir où tout ce qui semblait impossible est devenu possible dans le pire comme dans le meilleur. Aussi un humanisme approfondi et régénéré est il nécessaire à notre volonté de rehumaniser et régénérer nos pays, nos continents, notre planète.

La mondialisation avec ses chances et surtout ses périls a créé une communauté de destin pour tous les humains. Nous devons tous affronter la dégradation écologique, la multiplication des armes de destruction massive,  l’hégémonie  de  la  finance  sur  nos États  et  nos  destins,  la  montée  des  fanatismes  aveugles.

Paradoxalement c’est au moment où l’on devrait prendre conscience solidairement de la communauté de destin de tous les terriens que sous l’effet de la crise planétaire et des angoisses qu’elle suscite, partout on se réfugie dans les particularismes ethniques, nationaux, religieux.

Nous appelons chacun à la prise de conscience nécessaire et aspirons à sa généralisation pour que soient traités les grands problèmes qui sont à l’échelle de la planète.

Que tous ceux qui se reconnaissent dans ce texte lui apportent leur approbation.

 

Pour signer l’appel : http://changeonsdevoie.org/